Mon p'tit loup

Pierre Perret

Mon p'tit loup

Mon p'tit loup

Son album précédent, Lily (1977) affichait déjà un niveau de qualité qui confirmait que disque après disque le Pierrot affinait son art. Et si ce n’étaient trois titres dispensables, il n’y avait que des sujets de réjouissance dans ce très bon album. Et bien figurez-vous que ce Mon p’tit loup est du même acabit, ces 3 contrariétés en moins. Difficile, en effet, de trouver matière à critique dans ce recueil de perles qui voit l’épanouissement d’un artiste complet. Ici, l’équilibre entre tendresse, humour et conscience sociale, les trois piliers de Pierre PERRET, est merveilleusement bien maîtrisé.
Si on voulait catégoriser les morceaux qui composent Mon p’tit loup, on pourrait dire que "Ça la fait marrer", "Docteur" et "Estelle" sont typés humour, alors que "Mon p'tit loup", "Le monde change" et "L’hôpital" sont plus orientés conscience, et que "Napo" et "Les ours heureux" donnent plus dans la tendresse. Un équilibre presque parfait. Ce d’autant plus que dans plusieurs cas, on peut passer un de ces titres d’une thématique à l’autre sans difficulté, à l’image des magnifiques, et pluridimensionnels, "L’hôpital" et "Estelle". Ce qui montre à quel point Pierre PERRET est ici à l’aise avec ses textes qui sont parfaitement maîtrisés.
Si "Lily" éclaboussait de sa classe son album précédent, ici le pendant pourrait être le morceau "Mon p’tit loup". Ce titre trouve son origine dans l’histoire d’une jeune fille victime d'un viol. Le chanteur a retravaillé son texte pour lui donner un caractère plus optimiste et une portée plus universelle. A l’image des films de BECKER il transforme la noirceur d'une situation dramatique en lumière et en espoir. L’histoire raconte que le père d’un enfant handicapé a entrepris avec ce dernier de réaliser toutes les promesses qui sont évoquées dans cette magnifique chanson. Cela est symptomatique de la portée de ce titre que PERRET a réussi à déconnecter de son horrible origine pour le doter d’une résonnance bien plus vaste et émouvante. Mais, si "Lily" éclipsait un peu les autres titres, ici, "Mon p’tit loup", pour magnifique qu’il soit est confronté à de sérieux concurrents. A commencer par "Estelle" qui est le premier 45T et dont "Mon p’tit loup" n’était initialement que la face B !
D'ailleurs, cet album, qui n’a à l’origine pas de nom, comme c’est souvent le cas avec Pierre PERRET, a d’abord été renommé Estelle, avant d’être communément appelé Mon p’tit loup. Morceau enjoué, porté par un gimmick d’accordéon, "Estelle" est une petite perle. Le phrasé impeccable de Pierre PERRET permet de jouir de la finesse du texte qui mêle tendresse et humour. Contrairement à son habitude, le chanteur conserve un ton de voix sérieux, en décalage avec la nature des paroles, ce qui accentue l’effet de la chanson.
"Le monde change" avec son ambiance lourde et grave est une nouvelle incursion de Pierre PERRET sur des sujets « sérieux ». L’écologie, les choix budgétaires, la politique sont évoqués à mots voilés et désabusés. L’exercice de style, nouveau pour lui, est passé avec succès.
Il en va de même avec le mélancolique et triste "L’hôpital", qui dépeint l’univers sans horizon des établissements mouroirs. Les mots sont justes, et le chanteur parvient à transformer des petits riens du quotidien en de puissantes émotions. Au-delà de leurs qualités, ces deux titres sont également l’occasion d’apporter de la diversité et de l’épaisseur dans ses propos. Car si l’humour potache fait toujours partie de son univers, on pourrait même dire de son ADN, Pierre PERRET semble s’engager fermement vers d’autres domaines.
Au-delà de l’évolution naturelle qui touche tout humain qui murit, on peut émettre l’hypothèse que ses voyages récents et que sa parenthèse littéraire (il vient alors tout juste de sortir son deuxième livre : Les pensées) lui ont permis d’ouvrir son horizon et de se confronter à d’autres problèmes que les traditionnelles infidélités de ses personnages féminins. Et c’est une très bonne nouvelle, car continuer à aligner des albums ne contenant que des titres humoristiques l'aurait probablement conduit à un suicide artistique. Alors que cette évolution le propulse à un tout autre niveau.
Mon p’tit loup se situe, à mon sens, au cœur d’une des périodes les plus intéressantes et les plus séduisantes de Pierre PERRET. Plus de quarante années plus tard certains des thèmes qu’il abordait alors ; les violences faites aux femmes, la solitude des personnes âgées, l’absence de moyen de l’hôpital public… sont toujours d’actualité. Faut-il louer sa lucidité ou se lamenter du fait que ce Mon p’tit loup pourrait encore être la bande son de notre quotidien ?

Source : Nestor – Forces Parallèles / Nightfall

Date de sortie
20/10/2023

Référence du disque
ADEL27

N° de code barre
3760063731866

cd 14

Album numérique 14 titres

Existe en version numérique uniquement

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